Cela fait déjà dix jours qu’elles patientent et qu’elles s’ennuient. Je le sais parce que je les contemple de la fenêtre. Depuis que les premières gelées nocturnes les ont fait tomber des sarments, elles sont là. Immobiles. Alignées comme au stade. Bien sagement posées dans les rangées.

Hier, j’ai vu des alouettes qui sont venues leur tenir compagnie. Elles ont picoré une grappe par si, une grappe par là, et puis elles se sont moquées d’elles et puis elles sont reparties vers le sud. Vous parlez d’un crève cœur ! Les feuilles qui les ont suivis du regard, elles étaient mélancoliques, impatientes…

Mais heureusement, comme on dit : tout vient à point à qui sait attendre.

Aujourd’hui, le Mistral s’est levé.

Et c’est un vrai bonheur que de contempler enfin l’envol de toutes ces couleurs. Oui, c’est beau de les voir partir comme ça. Les feuilles se poussent, décollent, font des concours d’acrobatie. C’est un vrai ballet d’hiver… un sacré coup de balais.

Je l’avoue, j’aime ce Mistral qui vient coiffer mes champs. J’aime l’entendre mugir autour de moi. Vous ne le connaissez peut-être pas ? Pourtant ici, il se fait entendre au moins cent jours par an. Et si vous venez un jour à Cousignac, promis, on vous le fera rencontrer. Vous verrez que c’est en général un voisin charmant.

En dessous de 60km/h, la plupart du temps, son souffle se fait discret, presque charmeur, surtout en été et ce grâce aux petites collines qui nous entourent et qui nous protègent.

Mais que sa vitesse augmente et alors gare à vous. Il faut vraiment le connaître pour l’apprivoiser. Il vous dévale dessus à la moindre occasion. Il vous force à l’embrassade au coin de chaque mur, violemment !

Pourtant, même s’il nous bouscule dans les rangées de vigne, il faut apprécier sa force pour en comprendre son utilité.

C’est lui qui vient essuyer les pleurs des sarments que l’on taille…

C’est lui qui chasse les nuages et qui nous donne un ciel si bleu…

C’est lui qui sèche nos sols, si gorgés des pluies de l’automne…

C’est lui qui nettoie nos champs des feuilles inutiles…

Alors oui, même si c’est lui qui fait soupirer ma fenêtre et qui rend mon chien triste - incapable de sentir un lapin avec un vent pareil, j’aime ce Mistral.

D’ailleurs, je l’entends soupirer près du feu… Il vient même me faire un coucou à l’intérieur !