Aujourd’hui, alors que les vendanges approchent, je vais me permettre une comparaison audacieuse, mais que j’affectionne beaucoup : l’élaboration d’un nouveau millésime à la naissance d’un nouveau-né.

Vous n’imaginez pas combien les parallèles sont forts… Laissez moi vous expliquer.

Revenons 9 mois en arrière, avant la récolte, quand le vigneron taille sa vigne au mois de janvier : c’est le moment de la conception. Le geste ancestral du viticulteur prépare l’avenir du fruit.

Patiemment, lentement, la vigne se réveille avec ce devenir en elle. Elle commence par pleurer dès les premiers rayons chauds et des larmes pleine de sève s’écoulent de ses sarments taillés, presque sans raison.
Puis c’est le bourgeon qui commence à grossir, et grossir encore. Comme une femme dans ses trois premiers mois de grossesse, le risque est fort que la progéniture future ne tienne pas... Le gel, les attaques d’insectes, les maladies, autant de facteurs que l’on ne maîtrise pas et qu’il nous faut surveiller…

Puis passé le stade fragile du printemps où le sarment craque sous le vent, où les mamans s’inquiètent et sont prise de nausées, c’est le temps de la croissance, avec ces agressions de la peau, pardon, du feuillage, ces prises de volume, ce ventre qui s’arrondit et cette grappe qui peu à peu grandit, mûrit et ploie sous le soleil.

Chaque année, la vigne enfante un nouveau millésime !

Le viticulteur bio que je suis, est chargé de prendre soin de ces nombreuses petites mamans qui veulent accoucher de leurs plus belles grappes. Et croyez-moi, elles sont tout aussi exigeantes que n’importe quelle femme enceinte... Il faut tout le temps venir les voir, surveiller leur prise de poids, leur vitalité, leur environnement… Faudrait pas qu’elles prennent un coup de froid ou de soleil !

Et si quelque chose cloche, il faut intervenir vite, et bien ! Pensez… ce sont des mamans qui sont là. Et comme toutes les mamans enceintes, elles ne veulent que du bio pour leur ligne et leur santé ! Pas de produits chimiques qui viendraient polluer leur bébé ! Mais dans le même temps, pas de laisser aller, surtout pas les abandonner dans la nature, soumises aux maladies du feuillage. Non, elles veulent qu’on s’occupe d’elles mais avec des solutions naturelles… Du soufre minéral contre l’oïdium, du sulfate de cuivre contre le mildiou… Quelques préparations qui dynamisent… Tout est affaire de concentration.

Septembre est le mois des accouchements. Les vignerons que nous sommes devenons les sages-femmes chargés de recevoir les grappes et de procéder à leur bonne transformation en vin.

C’est un travail de tous les instants. Il faut parfois se lever en pleine nuit pour récolter les blancs… Et puis dans la foulée, enchaîner avec du rosé à presser, des rouges légers à rentrer… J’oubliais ! Il y a une parcelle de syrah à vite récolter avant que l’orage n’arrive. Et puis les grenaches sont bientôt prêts, va - t’on pouvoir attendre et souffler un peu ? Tu as soutiré les bourbes du petit dernier ?

Voilà. C’est l’effervescence de la maternité, où la lune joue un rôle sur la date de récolte, tout en tenant compte de la maturité des raisins, de l’état sanitaire, du type de sol, du terroir, de l’historique de la maman, pardon, de la vigne… Et tout le monde qui s’excite autour des raisins pour les accueillir du mieux possible.

Quand le vin est dans la cuve, quand le bébé est dans son couffin, le vigneron souffle. Tout s’est bien passé. Maintenant il faut prendre soin de ce petit bout, lui prendre la température, lui nettoyer ce qui se dépose en fond de cuve, faire une petite analyse…

Au fait, comment va t’on l’appeler ce petit dernier ?
Et comment on va l’élever ce nouveau-né ?

Déjà, on pense à l’avenir…